Satya – La vérité
Verset II.36 (Yoga-Sutra) « Quand on est établi dans un état de vérité, l’action porte des fruits appropriés ».
Nous appelons ici vérité une pensée, parole ou action juste qui contribue au bonheur et au bien être de tout être quels qu’ils soient. A l‘inverse le reste n’est qu’illusion, fausseté, fruit du mental impur.
La vérité de la pensée :
Verset II.20 (Yoga-Sutra) : « Drashtar, celui qui voit, est uniquement le pouvoir de voir. Mais bien que pur, il est témoin de ce qu’il voit. »
Ce que nous écrit Patanjali ici c’est que notre conscience profonde bien que pure est entachée par l’influence du monde manifesté (monde des sens). De ce fait, ce que nous voyons est altéré par ce caractère impermanent, et changeant du monde extérieur. Le mental se trouve alors dans la confusion : il lui est compliqué de faire la séparation entre la vérité et la fausseté.
La pensée vraie est juste, elle n’est souillée par aucun élément extérieur. La pensée juste n’a même pas besoin de peser le pour ou le contre. Fausseté, doutes et illusion ne parviennent pas à l’intellect pur.
Cette véracité n’est possible que pour un intellect dominé par une énergie de qualité Sattvique (pureté et équilibre). Les qualités opposées que sont rajas (passion, mouvement) et tamas (inertie, lourdeur) amènent confusion et fausseté au mental. Nous verrons dans un autre article comment s’installer dans une énergie sattvique.
A nouveau ici, yogi du monde, acceptons avec humilité être dans la recherche de la vérité et non être déjà établi dans la véracité… Aujourd’hui encore acceptons que nous sommes encore très influencés par ce monde extérieur dans lequel nous vivons. Pour ce faire je vous propose à chaque instant d’observer nos pensées, de prendre de la distance par rapport à ce monde externe afin d’établir un discours au plus proche de la vérité.
La vérité dans la parole :
Nous ne pouvons dire la vérité que lorsque notre intellect est installé dans la vérité. Pour parler avec véracité souvenons nous de ce que dit la loi 4.138 (Lois de Manu est un traité de loi le plus ancien de la tradition du dharma) :
« On devrait toujours dire la vérité. Cependant une vérité désagréable ne devrait pas être prononcée. Ni prononcer un mensonge pour plaire. C’est la loi éternelle.»
Toute autre parole ne serait que la conséquence d’une croyance infondée, d’une illusion qui a pris sa source d’information au niveau du mental (imprégné de ses expériences dans le monde des sens) et non au niveau de l’intellect pur qui lui observe la vérité sans aucune émotion ou jugement.
La vérité dans l’action physique :
La vérité qui a été pensée et dite avec justesse alors peut s’exprimer par l’action juste. L’action juste ou vraie est celle qui ne peut être autrement car elle est le fruit de la pure pensée. Cette action juste est appelée la voie royale et appartient au raja yoga (le yoga royal). On retiendra certains grands personnages qui ont été sur cette juste voie et qui ont su accorder pensées, paroles et actions comme Ghandhi dans sa quête de l’indépendance.
Je vais ici illustrer ma réflexion sur la vérité en m’appuyant sur un traité du Māṇḍūkya Kārikā (qui sont des commentaires relatifs à la Māṇḍūkya Upaniṣad) dont l’auteur présumé est Gaudapada (VIII s. après J. C., selon la tradition hindoue).
« Telle une corde (rajju), qu’on ne reconnaît point dans l’obscurité et que l’on prend pour quelque chose d’autre, l’atma (l’âme immortelle) peut nous sembler être un serpent, ou bien un filet d’eau (sarpadharadi) ou toute autre chose du même genre. De même que s’arrête l’activité mensongère de l’imagination (vikalpa) quand on reconnaît la corde, en disant: «Ceci est indubitablement une corde et tout autre jugement est exclu!», il en va de même pour la compréhension de l’atma».
De ce traité sont nées plusieurs histoires dont en voici une qui exprime bien le lien entre la pensée, la parole, et l’action dans la véracité :
« Un vieil homme qui marchait dans la rue un soir, vint à heurter un bout de corde qui trainait sur le sol. Comme il n’y avait pas de lumière, il crut que c’était un serpent. La peur s’empara de lui et il se mit à hurler et à courir le plus vite qu’il pouvait. Tout en courant il tomba et se cassa une jambe. Ses amis du voisinage l’entendant hurler et jurer s’approchèrent avec des bâtons. Il criait sans cesse en pensant qu’il y avait là un serpent. Quand ses amis s’approchèrent, ils crurent eux aussi qu’il y avait un serpent. Dans l’obscurité, ils se mirent à frapper la corde et en vinrent à se frapper les uns les autres.
Or, comme les cris continuaient, un autre groupe de gens s’approcha avec une lanterne. Alors quand la lumière entra, ils découvrirent qu’il s’agissait d’une corde et non d’un serpent. »
La vérité c’est aussi voir lorsque l’on n’a pas été établi dans cette vérité… Chaque jour notre monde nous permet en observant ou en méditant de regarder nos mensonges, croyances fausses et illusions. Et c’est en s’inscrivant sur ce chemin de la voie royale que l’on effacera peu à peu le voile du mental qui cache notre conscience pure.